Silos à céréales : « Bombes à retardement » (Première Partie)

Avec la libéralisation accordée par le gouvernement aux sociétés d’importer des céréales, le Maroc a connu ces derniers temps la construction et le montage de plusieurs silos et cela dans plusieurs villes du pays. Ce genre d’ouvrage, malgré son apparence d’ouvrage sans problème, présente des difficultés notables tant au niveau de la prévention que celui de la protection au niveau des incendies et explosions au moment de son exploitation. Afin d’attirer l’attention des exploitants et les sensibiliser contre ce fléau grandissant dans le monde, l’article s’articulera autour de deux axes à savoir la sinistralité et son origine ainsi que sur les moyens de prévention et de protection de ces ouvrages.

1 – Origine des explosions et incendies dans les silos

Voilà ce qu’écrivait William J. Tallany, inspecteur de la German American Insurance Company, en octobre 1917, après la destruction d’un silo à céréales survenue à Brooklyn, New york :

« Au cours de ces dernières années, les assureurs, les pouvoirs publics ainsi que l’opinion publique ont été secoués de façon répétée par d’effroyables événements qui se sont avérés être des leçons au prix fort élevé. Parmi ces catastrophes ; et non des moindres ; on compte celles dues à la présence de poussières contenant du carbone et qui sont essentiellement des poussières de céréales… ».

Malgré les améliorations importantes et indéniables apportées depuis 1917 à la construction des silos, les incendies et les explosions continuent à se reproduire dans le monde entier à un rythme inquiétant. Selon les estimations de la national Fire Protection Association (NFPA), on déplore –rien que pour les Etats-Unis et le Canada 29.400 explosions ou incendies survenus dans des silos à céréales au cours des années 1964 à1974. Le coût de ces sinistres se chiffre à environ 360 millions de dollars US.

Il est tout à fait normal de se demander pourquoi les silos à céréales doivent être considérés comme des « bombes à retardement » et quels sont les moyens de les « désamorcer » avant « éclatement ».

Les produits agricoles que renferment les silos sont des produits de nature organique et, par conséquent, combustibles. Dans les conditions normales de stockage, ils donnent naissance à de fines particules de poussières qui apparaissent en quantité considérable. Par suite de leur grande surface, ces particules acquièrent une vitesse de combustion très importante qui peut conduire à des coups de poussière ou à des déflagrations ravageuses. La chaleur dégagée provoque une dilatation brusque de l’air renfermé dans le silo. Étant donné que les silos à céréales sont conçus pour résister à des pressions de l’ordre de 0,3 bar au maximum et que les pressions engendrées atteignent des valeurs très supérieures en l’espace d’une fraction de seconde, il faut s’attendre à de graves accidents dans tous les cas.

Au départ, l’inflammation d’un petit nuage de poussière provoque une explosion primaire et qui soulève à son tour d’autres poussières. Les explosions secondaires qui s’ensuivent occasionnent des dommages beaucoup plus graves que ceux causés par l’explosion primaire.

A la lumière de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi les silos à céréales ont pu être assimilés à des «  bombes à retardement ». En effet, deux des trois conditions nécessaires pour donner lieu à un incendie ou à une explosion s’y trouvent souvent réunies: Les silos contiennent à la fois des matériaux combustibles et de l’oxygène; de là , il n’y a qu’un pas à franchir –au moyen d’une quelconque source d’inflammation- pour parvenir au déclenchement de la « bombe à retardement ».

Certes, on a pu réduire le risque de propagation des incendies en réalisant des constructions qui résistent au feu et ce en supprimant les fenêtres dans les silos en béton armé. Mais le fait que les enceintes devenaient plus étanches s’est traduit, en réalité, par des explosions encore plus graves. Par ailleurs, si l’application des directives antipollution ont favorisé l’amélioration de la qualité de l’air à proximité des installations de transport, la quantité des poussières en circulation dans les bâtiments n’a fait qu’augmenter: les poussières dégagées au moment du chargement ou du déchargement des céréales sont reconduites à l’intérieur des silos.

Mohamed Jamal BENNOUNA Ingénieur

Expert et Docteur en Droit

Professeur associé au CNAM – Paris Email :

[email protected]

 

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