Règles de l’art et leur signification en droit et en assurance
Les règles de l’art ont-elles un caractère obligatoire ?
Les règles de l’art ne sont pas toujours mentionnées explicitement dans les contrats . Mais leur utilisation est implicitement obligatoire d’utilisation. La dérogation à utiliser ces normes et DTU sera considéré comme une faute professionnelle et la responsabilité du professionnel de la construction peut être retenue en cas de problème.
Contrairement au CCAG-T marocain (décret des marchés publics) qui ne fait pas référence à l’obligation d’utilisation des règles de l’art par les professionnel de la construction, la réglementation française les rend obligatoires et ce par l’article 8.1 de la norme NF 03-001 applicable au marchés publics ainsi que par l’article 39-2 du CCAG.
Comment distinguer les règles de l’art des autres notions tel l’usage et la coutume ?
La coutume se caractérise par les facteurs suivants :
- Elle est fonction du lieu géographique où elle est utilisée ;
- Elle n’est pas écrite ;
- Elle n’est détenue et connue que par quelques personnes du domaine : Elle n’est donc pas diffusée et de ce fait non connue du grand public.
Alors que la norme se distingue de la coutume par les facteurs suivants :
- Elle est tout d’abord écrite ;
- Se caractérise principalement par sa performance ;
- Elle n’est ni figée, ni statique : Elle évolue avec le temps en fonction de l’avancée de la science et de la connaissance ;
- Elle est codifiée dans le cadre de normes, règles, etc. ;
- Elle détermine et délimite les conditions techniques de son utilisation ;
- Elle tend à être précise ;
- Elle peut même être universelle ;
- Elle est utilisée par les juridictions et experts comme référentiel en cas de litige.
Mais on peut constater aussi que les normes ne couvrent pas tous les domaines techniques, laissant ainsi la place dans certaines situations aux us et coutumes du secteur.
Quelle incidence des évolutions techniques et technologiques sur les règles de l’art ?
On peut considérer qu’actuellement, l’évolution technique et technologique des procédés de fabrication des matériaux a rendu en quelque sorte les règles de l’art obsolètes. En effet, les procédés de fabrication de certains professionnels de la construction et fabricants ont mis en place des techniques qui ont dépassé de loin parfois même les normes techniques traditionnelles rédigées par les pouvoirs publics à travers les organismes techniques ou laboratoires publics ou privés (NM pour le Maroc et les NF pour la France). Malgré ce développement, les magistrats font toujours référence à ces normes et DTU afin de déterminer la responsabilité présumée d’un professionnel de la construction en cas de sinistre ou en cas de litige.
Qui est responsable en cas de non respect d’une ou plusieurs règles de l’art ?
Le respect des règles de l’art est une obligation à la charge des professionnels de la construction et le manquement à son utilisation engagerait la responsabilité du professionnel de la construction présumé responsable. Il y a lieu de noter que le cahier de charge qui lie l’entreprise au maître d’ouvrage ne mentionne pas tous les moyens que doit utiliser l’entreprise pour réaliser les travaux contractuels : Le cahier de charge ne mentionne pas par exemple le type de matériel que devrait utiliser l’entreprise pour réaliser un remblais ou encore une excavation. Mais, l’entreprise n’est pas la seule à qui les règles de l’art s’imposent. Les architectes ainsi que les ingénieurs sont concernés par cette exigence plus que les entreprises de construction : La violation d’une règle d’urbanisme ou encore la non utilisation d’un DTU ou une norme NM propre à un procédé de construction peut être à l’origine de l’engagement de la responsabilité de ces concepteurs. D’ailleurs, ces professionnels de la construction ne doivent nullement céder au souhait et volonté du maître d’ouvrage à déroger à une règle de l’art et doivent lui signifier cette position de refus par écrit, soit par lettre recommandée, soit la consigner dans un PV de réunion de chantier. D’ailleurs cette immixtion du maître d’ouvrage à vouloir imposer sa volonté par une dérogation à une règle de l’art peut atténuer sa responsabilité, voire dégager la responsabilité du professionnel de la construction surtout si le maître d’ouvrage est lui même professionnel tel un promoteur immobilier par exemple.
Il est donc très conseillé aux professionnels de la construction de respecter les règles de l’art et de ne jamais procéder à leur dérogation en aucune façon.
Mohamed Jamal BENNOUNA
Ingénieur Expert et Docteur en Droit
Professeur associé au CNAM – Paris
Email : [email protected]