LE MAROC ATTIRÉ PAR LA CROISSANCE IVOIRIENNE
Le Maroc investit massivement en Côte d’Ivoire. Avec l’équivalent de 313 millions d’euros mobilisés en cinq ans, soit 22% des investissements étrangers, le Royaume se positionne en effet dans le top 3 des investisseurs privés dans le pays – devançant même la France. Les entreprises marocaines installées en Côte d’Ivoire opèrent dans des secteurs divers, tels que le BTP, les nouvelles technologies de l’information, l’agro-industrie, le commerce ou encore l’industrie pharmaceutique.
Des liens économiques, mais aussi culturels et historiques
Depuis 2010, le Maroc a fait de l’Afrique subsaharienne son nouveau terrain d’expansion, et d’Abidjan sa porte d’entrée vers l’Afrique de l’Ouest. Une stratégie volontariste, guidée au plus haut niveau de l’Etat marocain, le roi Mohammed VI tenant à sillonner lui-même le continent afin de renforcer les liens économiques et politiques avec ses homologues africains. C’est d’ailleurs lors d’une de ses visites à Abidjan que le monarque aurait décidé de contribuer à la la dépollution et à la réhabilitation de la baie de Cocody, un chantier colossal pour lequel le Maroc a mis 400 millions d’euros sur la table.
Pour autant, il n’est pas question pour le Maroc de « coloniser » la Côte d’Ivoire. « Nous ne sommes pas la en tant que conquérants, veut croire Abdelmalek Kettani, l’ambassadeur marocain à Abidjan. Ce n’est pas ”Take the money and run”. On apporte de l’investissement, on crée des emplois, on paie des impôts, on participe au développement de la Côte d’Ivoire ». Une coopération gagnant-gagnant, en somme.
Si l’on assiste a une accélération de leurs relations économiques, les liens entre le Maroc et la Côte d’Ivoire sont anciens. Le roi Hassan II et Félix Houphouët-Boigny entretenaient déjà une « relation exceptionnelle », qui s’est quelque peu relâchée durant la présidence de Laurent Gbagbo. Son successeur, Alassane Ouattara, a depuis son élection mis un point d’honneur à raffermir les relations de son pays avec le Maroc.
La coopération entre les deux pays est aussi religieuse. Alors que quelque 5 000 Marocains vivent en Côte d’Ivoire, une centaine d’imams ivoiriens va se former chaque année au Maroc. Sur le plan sécuritaire, de nombreux officiers ivoiriens vont également se former au Maroc, dont les services fournissent aussi des renseignements à la Côte d’Ivoire. Enfin, Abidjan a oeuvré pour que le royaume fasse son grand retour au sein de l’Union africaine, en janvier 2017, après trente-deux ans d’absence.
Des perspectives encourageantes
Du point de vue des entreprises marocaines, la Côte d’Ivoire a de nombreux atouts : une croissance qui frôle les 10% (contre seulement 3% au Maroc), une classe moyenne en pleine expansion, une main-d’œuvre peu onéreuse ou encore des ressources naturelles importantes. C’est ce qu’ont bien compris les grandes banques du royaume, qui ont racheté des filiales locales et concurrencent désormais les établissements français dans ce domaine. Les autres secteurs ont suivi, un mouvement facilité par l’ouverture de liaisons quotidiennes avec Abidjan par la compagnie aérienne Royal Air Maroc.
La bonne santé économique de la Côte d’Ivoire ne doit rien au hasard. Elle est en grande partie due aux réformes engagées par le président Ouattara et son gouvernement depuis plusieurs années, qui ont notamment eu pour conséquence d’assainir le climat des affaires et d’attirer de nouveaux investisseurs. Autant d’efforts récemment salués par le gouverneur honoraire de la Banque de France et ancien patron du FMI, Michel Camdessus, qui intervenait lors d’une conférence devant les chefs d’entreprise ivoiriens, le 29 mai dernier.
« Je voudrais vous dire, sans aucune flatterie, mon admiration pour ce qui s’est accompli ici depuis que votre pays a retrouvé la paix, a ainsi déclaré l’ancien grand argentier. (…). Les constats élogieux que font les grandes institutions internationales sont bien connus. Mais en tant qu’ancien du Fonds monétaire international, je ne peux que m’incliner plus profondément que d’habitude devant ce que je vois ici. Vous ne vous en rendez pas compte, mais les performances que l’on lit dans ces rapports sont tout à fait exceptionnelles ».
Après une longue période de crise politique, la Côte d’Ivoire a, en effet, affiché une croissance de 9% entre 2012 et 2016, et de 7,8% en 2017, année où le pays a dû faire face à la chute des cours du cacao et à la grogne de certains fonctionnaires. Reposant sur des bases solides, la croissance des années à venir devrait se maintenir autour de 7% et permettre à la Côte d’Ivoire d’atteindre l’émergence à l’horizon 2020. Voire même avant, selon Michel Camdessus.
« Vous avez contribué à placer solidement votre pays sur la trajectoire qui le conduit à franchir bientôt la ligne d’arrivée de l’émergence. Je suis prêt à parier que vous allez la franchir un peu avant le temps prévu », a lancé Michel Camdessus à l’adresse des patrons ivoiriens. Tout en les mettant en garde : « Accéder à l’émergence, ce n’est pas seulement franchir une ligne d’arrivée, c’est franchir une ligne de départ vers un itinéraire plus ardu encore, vers un objectif de long terme ».
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