Jet de pierres dans nos autoroutes.. Quelles sécurités?
Des voyous, il n’y a pas d’autres termes pour qualifier ces délinquants qui s’amusent à lancer des pierres contre les usagers de l’autoroute. Ces derniers vivent une véritable paranoïa en prenant la route la nuit. Ils craignent de devenir victimes de ces voyous. Surtout après la médiatisation de nombreux cas d’automobilistes qui reçoivent des pierres sur leur pare-brise.
Meurtre, blessure, handicap et condamnation
Dans son édition du 16 septembre dernier, l’envoyée spéciale du journal Le Monde a fait une enquête sur Leila Kettani, une mère de cinq enfants victime de pierres lancées sur sa voiture. Dans la nuit du 6 au 7 août 2016, cette élégante architecte de 45 a vu sa vie basculer sur l’autoroute reliant Rabat à Casablanca. Un pavé de 50 centimètres perce le pare-brise et s’écrase sur elle. Le conducteur manque de perdre le contrôle. Le véhicule dérape. «Je sentais que j’allais mourir», lâche l’architecte d’une voix blanche à notre confrère au journal Le Monde.
Deux ans après le drame, la femme garde encore des séquelles du crime : une longue cicatrice tracée sur son ventre, avec une perforation du foie, une fracture du bassin et une fracture ouverte du bras qui ont nécessité un an de convalescence, le plus dur reste le choc psychologique.
Madame Kettani n’est pas la seule victime des jets de pierres au niveau de l’autoroute. Au mois d’avril à Khémisset, les forces de la gendarmerie royale ont procédé à l’arrestation de trois personnes pour leur implication dans le meurtre d’une femme à cause des pierres lancées sur sa voiture sur la route reliant Alal Bahrawi à Tiflet.
Ce n’est pas la première fois que des passagers perdent la vie sur la route. Deux personnes ont jeté des pierres en direction de voitures empruntant la route reliant Marrakech à Agadir. Ce qui a causé le renversement d’une voiture et la mort de toute une famille : le père, la mère et leur fille. La chambre criminelle a prononcé la peine de mort dans cette affaire.
Il y a de nombreux cas d’attaques par des jets de pierres sur la route. Les bandits errent en toute sécurité dans différents endroits et recherchent des voitures qui passent seules la nuit, dans le but de les attaquer et de voler les passagers de tous leurs biens. Dans la plupart des cas, les passagers sont grièvement ou mortellement blessés. Dans le cas du décès, s’il n’y a pas de témoins oculaires, le crime serait un accident de la route.
Des mesures à adopter
En ce qui concerne les mesures à adopter pour assurer la sécurité des usagers de la route, on note des incohérences dans les déclarations entre le ministère de tutelle l’Équipement, des Transports, de la Logistique et de l’Eau et la Société nationale des autoroutes ADM.
Alors que le ministère a annoncé qu’il avait décidé d’installer des caméras de surveillance pour suivre tous les tronçons de la route, la Société nationale des autoroutes a déclaré qu’il était difficile de fournir des caméras de surveillance à tous les véhicules. Et d’ajouter que les caméras de surveillance ne concernent que les routes dites à trafic intense, telles que l’autoroute reliant l’aéroport international Mohammed V à Rabat. «Sur le tronçon Aéroport Mohammed V-Casablanca-Rabat, nous avons installé des caméras de surveillance tous les deux kilomètres. Elles servent à surveiller le trafic autoroutier et en cas de besoin, nous transmettons ces vidéos aux forces de l’ordre pour identifier les auteurs d’agressions. Cela permet d’aboutir à un taux d’élucidation proche de 100%. Il y a un vrai travail d’équipe avec tous les acteurs (justice, police, gendarmerie) pour renforcer la sécurité des usagers. Hormis ces outils technologiques, nous sous-traitons à une société extérieure des rondes avec des patrouilleurs qui avertissent notre quartier général et les forces de sécurité en cas de problème», précise une source de l’ADM.
«Nous ne sommes ni sociologues ni agents de police mais cela ne nous empêche pas de mener des actions avec les autres acteurs pour empêcher certains criminels de faire de nos autoroutes leur terrain de chasse. ADM investit lourdement tous les ans pour éradiquer ce phénomène sociétal mais le risque zéro n’existe nulle part dans le monde», conclut la même source qui ajoute que ni les routes nationales ni même les périmètres urbains ne sont épargnés par ce nouveau type de criminalité.
Encadré : un dispositif de sécurité sur les ponts
Les nombreux drames et incidents qui se sont produits sur les autoroutes nationales ont poussé la société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) à adopter des mesures préventives. L’ADM avait, en effet, annoncé, le 18 juillet dernier, l’ouverture à la circulation du nouvel échangeur Mohammedia Centre, situé au point kilométrique 53 (PK 53) de l’axe autoroutier Rabat – Casablanca, accompagné d’un nouveau dispositif de sécurité annoncé pour sa part dès le mois d’avril 2018.
Ce dispositif est composé d’un grillage rigide installé le long de l’ouvrage, les panneaux qui le composent sont d’une hauteur de 2,5 m à laquelle s’ajoute un bavolet de 21 cm, soit une extension de clôture inclinée à 45° afin d’augmenter la difficulté de franchissement.
Le tout est doublé d’un système de vidéosurveillance de 2 mâts positionnés chacun dans un sens de la circulation, et portant chacun 4 caméras permettant de surveiller aussi bien l’ouvrage que les accotements de l’autoroute.
La question que posent tous les usagers des autoroutes: Quand est-ce que ce fléau va être résolu?