Dans cet entretien, Jaafar Sijelmassi, architecte spécialisé en écologie à Casablanca, nous dévoile les détails de son projet révolutionnaire, alliant technologie moderne et respect de l’environnement dans la construction.
BTPnews : Bonjour Monsieur Jaafar. Merci de partager avec nous votre projet novateur.
Jaafar Sijelmassi : Bonjour. Je suis ravi de vous parler de ce projet innovant, conçu en maîtrise d’œuvre générale avec mon partenaire Omar Mawlawi. Notre projet représente une avancée significative dans le domaine de la construction, à une échelle peut-être inédite, voire internationale. Sur une superficie de 12 600 mètres carrés, nous avons recyclé la terre d’excavation pour construire nos murs, combinant les techniques des blocs de terre comprimée (BTC) et du pisé.
Ce dernier, réalisé sur une hauteur de 14 mètres, constitue également une première au niveau mondial. Tout cela a été accompli grâce à un processus scientifique rigoureux, comprenant des analyses approfondies de la terre locale, des formulations spécifiques, ainsi qu’une batterie de tests en collaboration avec des laboratoires et des experts.
Ce projet va bien au-delà de l’utilisation esthétique de la terre ; il incarne une fusion entre le low-tech adapté au contexte marocain et le high-tech représenté par la multinationale Robert Bosch, intégrant des matériaux anciens à des technologies de pointe.
Notre objectif est de garantir un confort optimal aux occupants tout en préservant l’environnement, aussi bien au niveau de la fabrication des matériaux (énergie grise) que de la gestion du bâtiment. Nous visons à atteindre une autonomie énergétique, produisant toute l’énergie nécessaire grâce à des panneaux photovoltaïques et stockant l’excédent pour une redistribution dans le réseau public.
BTPnews : Pourriez-vous nous préciser si cette approche concerne uniquement les murs extérieurs ou l’ensemble de la construction, y compris les séparations internes ?
Jaafar Sijelmassi : La structure principale de la construction est en béton armé, conformément à la réglementation en vigueur au Maroc. Même si nous aurions pu opter pour des murs porteurs en terre, la réglementation limite la construction à R+1 sans structure en béton.
Ainsi, tous nos murs sont remplis de terre, avec de larges épaisseurs offrant les avantages d’inertie thermique et d’autorégulation hygrométrique et un aspect esthétique brut.
BTPnews : Quelles sont les différences majeures entre travailler avec la terre et les matériaux conventionnels comme le béton ?
Jaafar Sijelmassi : La principale différence réside dans la fabrication du matériau lui-même. Nous avons dû mettre en place des installations pour produire nos propres briques en utilisant des presses hydrauliques ou pour couler le pisé dans des coffrages.
Contrairement au béton, que l’on peut simplement acheter, la terre requiert un processus de fabrication plus impliqué.
De plus, la terre offre des avantages significatifs en termes de résistance, d’empreinte écologique et de santé des occupants, ce qui en fait un choix particulièrement pertinent dans une perspective de construction durable et de décarbonation.
BTPnews : Peut-on envisager une industrialisation de ce processus de fabrication ?
Jaafar Sijelmassi : Nous avons envisagé deux possibilités. Nous pouvons réaliser la fabrication sur place, à condition d’avoir l’espace nécessaire pour le stockage et le séchage des matériaux.
Sinon, nous pourrions externaliser cette étape en travaillant la terre à un autre endroit avant de la transporter sur le chantier.
Cette dernière option pourrait entraîner une légère augmentation de l’empreinte écologique due à la logistique, mais elle reste viable dans l’ensemble.
BTPnews : Nous sommes ravis de partager cette initiative innovante avec vous. Je tiens à vous remercier, Monsieur Jaafar, pour cet éclairage sur votre projet révolutionnaire en matière de construction écologique.
Jaafar Sijelmassi : Je vous en prie. C’était un plaisir. Je tiens à souligner que notre projet illustre notre engagement en faveur de la durabilité et de l’innovation, deux aspects indissociables de notre démarche qui s’inspire des techniques de construction traditionnelle marocaine.
L’objectif à terme est de démontrer la pertinence de la construction en terre contemporaine et de militer pour la généralisation de cette technique, y compris en milieu urbain, pour des projets de grandes dimensions.
*Jaafar Sijelmassi, architecte spécialisé en écologie et en BIM à Casablanca
