DEFIS ET OPPORTUNITES LIES AU SECTEUR DE L’IMMOBILIER EN AFRIQUE DE L’OUEST CAS DE LA GUINEE

Malgré son potentiel économique et ses opportunités prometteuses, la Guinée fait face à plusieurs obstacles qui entravent l’afflux d’investissements dans le secteur de l’immobilier. La suite des paragraphes est consacrée à une analyse des principaux défis rencontrés par les investisseurs et à une mise en lumière des atouts majeurs du pays, susceptibles de favoriser le développement de ce secteur.

Stabilité politique

Comme d’autres nations de l’Afrique de l’Ouest, le pays a connu une période d’incertitude à la suite du coup d’État du 5 septembre 2021 accrue par les tensions politiques entourant la transition, les inquiétudes quant à la date du retour effectif au régime civil ainsi que les éventuels troubles et violences civils qui s’ensuivraient, ce qui est en mesure de détériorer l’environnement d’affaires.

Par ailleurs, le foncier a été perturbé par la suspension de l’émission des titres fonciers, des baux emphytéotiques et des baux à construction et par l’interdiction de la cession des domaines publics, ce qui a d’ailleurs irrité le barreau des avocats qui y voit une violation de la loi. Il en est de même de la toute première décision du ministère de tutelle interdisant toute cession ou vente d’immeuble ou de terrain avant l’immatriculation à la conservation foncière, même si le code civil qui régit la vente ne prévoit ce genre de mesures ni comme condition de forme ni comme condition de fond. En outre, plusieurs opérateurs économiques et particuliers ont été sommés de libérer des domaines présumés relevant du patrimoine de l’État même si, non seulement ils ont fait l’objet de ventes ou de baux pour la plupart, mais encore, seul le juge est habilité à régler de telles questions. Ainsi, à quelques mois de la fin du délai de la transition conformément au calendrier initial, des voix commencent à se lever pour revendiquer plus de visibilité dans la conduite de celle-ci et diligenter le retour à l’ordre constitutionnel.

Tout compte fait, les bouleversements politiques risquent donc de dominer l’activité économique, créer une incertitude et peser sur la confiance des investisseurs.

 

 

Environnement administratif

L’un des principaux défis à relever en matière d’investissement de manière générale et dans le secteur de l’immobilier en particulier, réside dans la complexité de l’environnement règlementaire et administratif. En effet, les procédures bureaucratiques longues et coûteuses, les règlementations incohérentes et les obstacles liés à la propriété foncière peuvent décourager les investisseurs potentiels. De surcroît, malgré les efforts fournis par le pouvoir en place qui a impulsé des réformes judiciaires pour éradiquer l’impunité, la corruption continue de gangrener l’administration publique faisant de la Guinée l’un des pays les plus corrompus de la planète. C’est ainsi que ce fléau engendre des injustices et frustrations et freine le développement du secteur. Également, la culture de l’absentéisme, le clientélisme, la lenteur et le manque d’ardeur et de motivation au travail sont autant de facteurs qui, visiblement, rendent l’administration incapable de livrer des services de base de manière satisfaisante et de créer une atmosphère propice à l’investissement. De plus, les fonctionnaires ont tendance à ne pas respecter les heures de travail surtout le vendredi et vu les salaires relativement faibles qu’ils perçoivent, plusieurs d’entre eux préfèrent investir leur énergie et leur temps, parallèlement à leur travail dans la fonction publique, dans des marchés privés ou monter leurs propres affaires pour avoir des revenus plus lucratifs.

Gestion foncière

Le processus actuel d’établissement des titres fonciers constitue au regard du code foncier et domanial en vigueur, l’acte fondamental de sécurisation du droit de propriété foncière. Il est pourtant à l’origine de multiples crises et conflits devant les cours et tribunaux à cause des anomalies qu’il présente. De là, des réformes s’imposent afin de mettre fin à la lenteur du processus d’acquisition du titre foncier et amoindrir les risques d’erreurs d’identification et de doublon. Toutefois, malgré le lancement officiel mercredi 3 août 2022 de la plate-forme digitale de gestion des titres fonciers, d’importants retards de traitement sont toujours à déplorer.

 

 

Climat des affaires

Les fournisseurs et les prestataires sont trop prudents vis-à-vis des transactions à crédit. Les problèmes liés aux limites du fonds de roulement, accentués par les difficultés fréquentes de recouvrement, les dissuadent de s’y aventurer. Les délais de paiement exigés s’avèrent alors trop courts, voire nuls, d’autant plus que le secteur informel représente une part importante de l’économie locale. Socialement, la Guinée ressemble à un petit village où tout le monde connaît tout le monde et où il n’est pas évident de faire jouer la concurrence quand il s’agit de faire des consultations de plusieurs prestataires pour avoir la meilleure offre. Quant au financement des transactions immobilières à crédit, les taux d’intérêt sont réputés trop élevés.

Fourniture

Quoique le pays est en route vers l’émergence, le marché local du BTP continue de connaitre des pénuries et des coûts relativement élevés des matériaux de construction à cause du recours systématique à l’importation à l’exception de certaines marchandises dont l’importation est interdite dans l’objectif d’encourager la production locale. Un grand besoin est particulièrement enregistré dans la production du béton prêt à l’emploi, à cause du nombre limité des centrales et pompes à béton, et également des agglos. Les fournisseurs de bitume se comptent sur les doigts d’une main ce qui rend les délais de disponibilité des fineshers extrêmement longs et les prix du bitume trop chers. Les briques en terre cuite sont quasi inexistantes à l’exception de celles fabriquées à la main de manière artisanale et qui ne sont donc pas appropriées pour une utilisation dans des chantiers techniques. Pendant les pics de production dans les carrières minières, les semi-remorques peuvent devenir rares à la capitale, car les transporteurs préfèrent les déplacer vers les villes minières de Kamsar et Boké parce que c’est plus rentable paraît-il. Pendant les périodes de pluie, certains carriers se retrouvent contraints de suspendre les enlèvements en raison de l’impraticabilité des accès. En matière d’énergie, le pays connaît très régulièrement des perturbations dans la desserte en électricité.

 

 

Infrastructure

Malgré les efforts fournis, le mauvais état de l’infrastructure routière, les rues et les routes relativement étroites et défectueuses ainsi que l’absence presque totale de signalisation rendent la circulation difficile, notamment pendant la nuit où l’éclairage est quasi-inexistant. Par ailleurs, la Guinée, qualifiée de « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », connaît chaque année d’importantes pluviométries au point que l’état des routes se dégrade considérablement et que les pluies limitent le déplacement et affectent fortement l’activité économique, en particulier pendant juillet et août, les mois les plus pluvieux. Les flaques d’eau générées dans les rues et les routes de la capitale provoquent alors d’énormes embouteillages et des accidents de la route.

Capital humain

Une pénurie croissante de la main-d’œuvre qualifiée intervient dans le sillage du secteur de l’immobilier et entraîne une baisse de la qualité du travail au point que les travailleurs semi-qualifiés sont engagés en tant que travailleurs qualifiés pour combler le besoin. Il est vrai que les Guinéens sont des gens adorables, calmes et gentils, mais une petite comparaison montre facilement que les rendements sont inférieurs à ceux que l’on peut enregistrer dans d’autres pays et que, de manière générale, les individus respectent peu les rendez-vous et les engagements. C’est probablement dû aux problèmes de circulation mais c’est en train de devenir culturel aussi. Ces obstacles risquent de provoquer un effet dissuasif sur l’investissement en général et plus particulièrement dans le secteur de l’immobilier. En conséquence, il serait plus utile que le pays mise sur le développement du capital humain afin de préparer la main-d’œuvre aux emplois qualifiés d’aujourd’hui et de demain même si les retombées de ces investissements mettent du temps à se matérialiser et sont difficiles à mesurer.

 

 

Mode de vie

Certains types de logements ne sont pas adaptés au mode de vie en Guinée où les familles élargies vivent habituellement regroupées sous le même toit, où la polygamie est très répandue et où la moyenne du nombre d’enfants par famille est élevée ; ce qui fait que la culture de la vie dans l’appartement sous un régime de copropriété n’est pas très développée dans le pays. Ces préférences sont cependant en train de changer progressivement en raison de l’influence culturelle grandissante des Guinéens de l’étranger, qui commence à se faire sentir grâce aux mutations technologiques qui permettent aux ressortissants de partager régulièrement leurs modes de vie et leurs expériences avec leurs compatriotes résidant en Guinée.

En somme, les obstacles à l’investissement dans le secteur de l’immobilier en Guinée sont nombreux, mais peuvent être surmontés si les mesures appropriées sont prises, en simplifiant l’environnement règlementaire, administratif et financier, en développant l’infrastructure, en atténuant les risques politiques et économiques et en adoptant des stratégies efficaces visant à développer les compétences locales.

 

Abdelhak EL MOULI est ingénieur d’état en génie civil, lauréat de l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs

 

Abdelhak EL MOULI

Ingénieur d’état en génie civil

Lauréat de l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs

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