Incidences de la sinistralité sur la responsabilité des concepteurs BTP (Part I)
Mohamed Jamal Bennouna est Ingénieur Expert et Docteur en Droit. Il est aussi professeur associé au CNAM Paris et professeur associé EHTP – ISCAE – UIR – ESCA. Dans cette étude de trois parties, il décrypte les incidences de la sinistralité sur la responsabilité des concepteurs BTP.
Dans son introduction, il explique qu’il n’est pas rare ; et même devenu courant ; de voir des maîtres d’ouvrage porter des litiges contre les intervenants devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits d’application des contrats signés avec les prestataires de service ou avec les entreprises d’exécution des travaux : ‘‘Cet article a pour objectif de mettre en relief les sinistres qui peuvent engager la responsabilité des concepteurs d’un projet tels les architectes et ingénieurs (Bureaux d’Etudes Techniques, Bureaux de Contrôle Technique, Laboratoires, etc.)’’.
I- Les fautes liées aux études architecturales
Impropriété à destination :
Le rôle des architectes est très important pour la réussite du projet au vu du rôle qu’ils occupent dans le projet de construction en tant que maîtres d’œuvres. Leurs interventions peuvent produire des fautes et générer des dommages à l’ouvrage qu’ils dirigent pour le compte du maître d’ouvrage. Or, les architectes oublient parfois que leur responsabilité peut être retenue en cas d’impropriété de l’ouvrage à sa destination. Afin d’illustrer ces fautes réelles et vécues au Maroc, quelques cas de fautes (sans prétendre qu’elles soient exhaustives) sont donnés ci-dessous :
– Escaliers non confortables à l’utilisation : Contre marches hautes et/ou marches pas assez larges ;
– Rampe de garage raide rendant le garage du sous-sol inaccessible à des voitures basses;
– Parking impraticable à cause de la multiplicité de barrières tels les poteaux ;
– Conception de pentes d’écoulement des eaux pluviales insuffisantes
– Mauvaise aération de l’ouvrage engendrant l’apparition des traces de condensation et de moisissure ;
– Mauvaise orientation de l’ouvrage engendrant un manque d’ensoleillement ;
– Conception de pentes d’écoulement des eaux pluviales insuffisantes ;
– Couloir non adapté pour le passage de matériel roulant dans une usine, Hôpital, etc.
– Hauteur de plancher non suffisante pour le placement de machines
La nature de responsabilité de l’architecte envers le maître d’ouvrage a longtemps généré des discussions au niveau de la doctrine : est-elle une responsabilité de moyens ou plutôt une responsabilité de résultats ? La cour de cassation française a tranché dans cette affaire[1] en énonçant le principe « L’entrepreneur est tenu, sur le fondement de l’article 1147[2] du Code civil, d’une obligation de résultat, alors que l’architecte répond, pour sa part, d’une obligation de moyen. »
Par contre, l’architecte a une obligation de conseil et d’avertissement du maitre d’ouvrage pour tout problème pouvant mettre en péril le projet[3].
[1] Fra Cr Cass ChCiv 3 Fra 30 Nov 2011 10-21.273 Obligations de Moyens pour l’architecte.
[2] Art 1147 : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
[3]Belgique Cour d’appel Liège Arrêt 2000/RG/12 du 27/06/2002 Architecte Obligation de conseil d’information et d’avertissement au maitre d’ouvrage
Mohamed Jamal BENNOUNA
Ingénieur ESTP Expert MRICS et Docteur en Droit
Professeur associé au CNAM Paris- EHTP – ISCAE – UIR – ESCA
Email: icotex.bennouna@gmail.com